La truffe fragilisée par les sécheresses
La production du précieux diamant noir diminue au cours des années de faible pluviométrie estivale.
La rareté a beau faire le prix - entre 1000 et 2000 euros le kg - les trufficulteurs connaissent des années plutôt moroses. La production de truffes, communément rebaptisées «diamants noirs», a considérablement chuté ces dernières années. Et les trois régions méditerranéennes du sud-ouest de la France (Périgord), du nord-est de l'Espagne (Aragon) et de l'Italie du Nord (Piémont et Ombrie) connaissent exactement le même sort, sans jusqu'à présent trouver d'explications très convaincantes.
La publication cette semaine dans la revue Nature Climate Changed'une étude montrant le lien étroit entre la qualité des récoltes et la sécheresse qui gagne du terrain année après année dans ces
régions du sud de l'Europe, apporte un bout de réponse. «Nous disposons de statistiques à peu près fiables sur la production de truffes depuis les années 1970» explique Ulf Büntgen, chercheur à
l'institut fédéral de recherche suisse WSL et auteur principal de la recherche. «Le premier constat que nous avons fait est que les bonnes ou les mauvaises années valent en général pour les trois
pays: France, Espagne et Italie», commente-t-il.
Pour effectuer leur travail, les scientifiques se sont notamment référés à la croissance des chênes au pied desquels se trouventTuber melanosporum, très convoités. «En présence de températures
relativement basses, avec une pluviométrie élevée entre juin et août il faut s'attendre à une croissance accrue du chêne et à une bonne récolte de truffes. Si au contraire les étés sont chauds et
secs, l'impact est non seulement négatif sur la croissance de l'arbre, mais aussi sur la production hivernale de champignons entre novembre et février», explique l'étude.
Les trufficulteurs avaient déjà observé des variations de récoltes pour les saisons très sèches comme en France au cours de l'année 2009-2010. Cette année-là, la production a chuté à 25 tonnes contre
40 à 50 tonnes en années normales. Dans les années 1960, la production était vraisemblablement meilleure, mais les données chiffrées de cette époque sont trop incertaines.
Une remontée vers le Nord
«Il est vrai que les longues périodes de sécheresse sont néfastes pour la truffe d'où la nécessité de se diriger vers une sélection de souches plus tolérantes et la possibilité de réaliser un apport
en eau si nécessaire», commente Claude Murat chercheur à l'Inra de Nancy.
Reste à savoir si ces évolutions climatiques vont favoriser la migration plus au nord de la truffe méditerranéenne, voire favoriser l'autre sorte de truffe, Tuber aestivum, connue également sous
l'appellation de truffe de Bourgogne que l'on trouve notamment au nord des Alpes.
Ça ne sera pas le cas cette année en France, car la Lorraine a connu une sécheresse en septembre «néfaste pour la récolte qui a lieu en ce moment», poursuit Claude Murat. Les chercheurs helvétiques
soulignent néanmoins que les données en provenance de Suisse et du sud de l'Allemagne «décrivent une augmentation générale de la croissance des champignons».
Les producteurs du Sud qui n'ont aucunement l'intention de se laisser détrôner dans les assiettes des gastronomes travaillent d'arrache- pied avec le ferme espoir de réussir à contourner les caprices
du climat.
Le Figaro.fr
Les migrations post-glaciaires des truffes révélées par leur génome
Les truffes sont des fructifications résultant de symbioses ectomycorhiziennes entre un champignon Ascomycète hypogé du genre Tuber, et les racines d'un grand nombre d'arbres et d'arbustes. Leur période normale de maturité s'étend de début décembre à fin mars. Les propriétés gustatives des prestigieuses truffes noires du Périgord (Tuber melanosporum) leur confèrent une forte valeur économique (3000 à 4000 euros/kg). Depuis des générations, les rabassiers1 ont noté de fortes variations dans les qualités organoleptiques de ces précieux champignons selon les régions de récolte (Périgord, Provence...).
Distribution géographique
des différents génotypes de truffe noire du Périgord répertoriés
L'incertitude règne encore sur l'origine de ces variations : "innées ou acquises", liées aux gènes ou déterminées par les variations des conditions de l'environnement, telles que propriétés du sol, climat...
Alors, sol ou génome ?
En collaboration avec un large réseau de trufficulteurs, des équipes de l'INRA de Nancy et de Clermont-Ferrand ont constitué un fichier des empreintes génétiques des populations de truffe noire du Périgord, récoltées sur l'ensemble de la zone de production française. L'examen révèle l'existence d'une dizaine de génotypes différents. Les génotypes I et II sont particulièrement abondants (60 et 28%), mais leur répartition géographique est très variable : le type I est prédominant dans l'Ouest de la France et le type II dans l'Est. Le type III, représentant 7% des truffes, est exclusivement détecté dans l'Est (Provence, Vallée du Rhône) et le Nord-Est (Bourgogne, Lorraine). Certains génotypes, IV à X, sont rares et le plus souvent restreints à une seule localité : le génotype X est récolté uniquement dans l'Hérault.
L'histoire postglaciaire expliquerait la répartition géographique actuelle des populations de truffe. En effet, une analyse phylogéographique, basée sur les distances génétiques et géographiques entre les différents génotypes, suggère que les populations de Truffe noire ont recolonisé la France, depuis des refuges glaciaires du Nord de l'Italie, après les dernières glaciations via deux routes de migration. De la Provence, une population (ancêtre du type II) aurait colonisé les régions calcaires de la vallée du Rhône et aurait atteint la limite actuelle de la zone de distribution, la Lorraine. Une autre population (ancêtre du type I) aurait diffusé via le Roussillon et le Languedoc jusqu'au Périgord et aux Régions Atlantiques. Ces voies de migration recoupent celles connues pour les chênes, suggérant que la truffe a accompagné son hôte favori lors de la recolonisation post-glaciaire.
Cette structuration génétique des populations de Tuber melanosporum relance le débat sur l'origine des variations organoleptiques des fructifications. Les caractéristiques génétiques de la truffe pourraient bien se révéler aussi importantes que la nature du sol où se développe ce champignon. La mise en évidence d'une diversité intraspécifique permettra de caractériser les modes de reproduction et d'évaluer l'intensité des flux de gènes entre les populations des truffières sauvages et implantées. Ce polymorphisme génétique facilitera également le "typage" des différentes origines géographiques et permettra la mise en place d'outils de certification des produits récoltés.
Source : http://www.futura-sciences.com