Lors de la campagne 2014-2015, les régions Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte-d'Azur et Rhône-Alpes avaient produit jusqu'à 40 tonnes de Tuber melanosporum, dite «truffe noire du Périgord». Mais l'année en cours est jugée catastrophique. Au marché de gros de Richerenches, dans le Vaucluse, les quantités de truffes sont tombées drastiquement. «La semaine passée, nous avions 300 kilogrammes alors qu'en temps normal, nous comptons une tonne de truffes», explique Bernard Duc-Maugé, directeur de la Maison de la truffe noire du Tricastin, au Figaro. «Pour l'heure, nous estimons que 30 tonnes ont été produites contre plus de 50 l'an passé, en France», soutient Michel Tournayre, également trufficulteur à Uzès.
«Au kilo, la truffe noire coûte 850 euros sur le marché de gros»
Une situation dont pâtit également une autre espèce, la truffe de Bourgogne, Tuber uncinatum. «Personnellement, j'ai produit 100 grammes contre 6 kilos l'année précédente: c'est soixante fois moins!», nous confie de son côté Patrice d'Arfeuille, président du Syndicat des producteurs de truffes de Bourgogne.
Le responsable? La météo catastrophique. «Nous avons été confrontés à une période de sécheresse sans précédent, ce qui a empêché les truffes de se développer», déplore le président de la FFT. De fait, l'eau est une denrée essentielle tout au long du cycle de vie de la truffe, de sa naissance, en mai, à la récolte jusqu'en février, selon les espèces.
Qui dit raréfaction, dit forcément hausse des prix. «Pour la truffe de Bourgogne, les prix ont été multipliés par deux», affirme Patrice d'Arfeuille. Quant à la truffe noire, les prix ont augmenté de 100 à 200 euros, selon les estimations de la Fédération. «Sur le marché de gros, ils se sont accrus de 30%», précise Bernard Duc-Maugé. «Au kilo, la truffe coûte environ 850 euros». Si le prix semble exorbitant, pour les acteurs de la filière, il est nécessaire de conserver un prix minimum pour cette denrée si rare, car le métier de trufficulteur représente un travail considérable. «La première récolte s'effectue entre neuf et dix ans», précise Patrice d'Arfeuille.
Les arômes artificiels, «une forme d'escroquerie»
«Dans le même temps, nous devons tout de même garantir une production et des prix “raisonnables”, sans quoi la concurrence va en profiter», reconnaît Michel Tournayre. L'Espagne et l'Italie constituent actuellement les deux concurrents majeurs de la France. Mais les trufficulteurs de l'Hexagone sont également confrontés à un autre adversaire. «Quarante tonnes de truffes chinoise arrivent chaque année en France», soutient Bernard Duc-Maugé. «Contrairement à la truffe française, elle n'a aucun goût, mais comme elle est moins chère, elle satisfait de nombreux restaurateurs».
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Autre ennemi des trufficulteurs: la chimie. «Les trois-quarts des produits dérivés de la truffe sont produits à partir d'arômes artificiels», allègue le président de la FFT. Huile, vinaigre, moutarde... Autant de produits qui satisfont les clients et notamment les restaurants, pour leurs prix. «C'est une forme d'escroquerie», assène le fondateur de la Maison de la Truffe. «Le véritable souci, c'est que les consommateurs ne sont pas capables, par la suite, de différencier le vrai et le faux goût de la truffe». Plusieurs exploitants ont d'ailleurs prévu de faire le déplacement au Salon de l'Agriculture, qui débute ce samedi, à Paris, avec l'objectif de rétablir la vérité sur le fameux diamant noir.
Le Figaro.fr, Pauline Chateau